Lien à consulter : DOSSIER DE SYNTHESE (MIS À JOUR) sur l’emploi et les difficultés de recrutement dans l’informatique
Cet article met en avant une série de constats et d’arguments qui relativisent les « difficultés de recrutement » dans l’informatique et qui s’opposent formellement à toute « pénurie d’informaticiens » en France…
Cet article concerne aussi bien les SSII (Sociétés de Service en Ingénierie Informatique) que les SICT (Sociétés d’Ingénierie et de Conseil en Technologie, ex. Altran, Alten, Assystem…) : elles appartiennent toutes à la Branche Syntec-Cicf des prestations intellectuelles et la frontière est souvent mince entre les deux. Néanmoins, par commodité, nous parlerons seulement de SSII dans cet article.
Les constats
Constat N°1 : la mesure inégale des « difficultés de recrutement »
Plusieurs enquêtes font référence pour mesurer les difficultés de recrutement sur le marché du travail. Mais bizarrement elles conduisent chacune à des résultats différents…
1. L’enquête trimestrielle de conjoncture de l’Insee :
L’Insee ne mesure pas directement les difficultés de recrutement dans le secteur des Activités informatiques (services informatiques hors édition logicielle), qui compte 325 300 salariés mais seulement dans le « secteur » Information et communication (section J de la NAF rév. 2, 2008) qui totalise 689 200 salariés et qui comprend donc le sous-secteur des Activités informatiques (soit environ la moitié des effectifs).
On ne peut donc qu’estimer les difficultés de recrutement dans les services informatiques à partir de celles mesurées dans leur secteur d’appartenance : Information et Communication.
Celles-ci sont mesurées chaque trimestre dans l’enquête « Conjoncture dans les services ». On peut y accéder directement par la BDM de l’Insee pour obtenir les résultats suivants (2eme trimestre 2011) :
- % d’entreprises rencontrant des difficultés à recruter des cadres dans le secteur « Information et Communication » : 22%
- % d’entreprises rencontrant des difficultés à recruter des non-cadres dans le secteur « Information et Communication » : 5%
- Sur l’ensemble du secteur des services (tertiaire), les difficultés de recrutement s’établissent à 20%.
- A titre de comparaison, les difficultés de recrutement s’élèvent à 56% dans l’industrie du bâtiment et à 28% dans l’industrie manufacturière…
2. L’enquête BMO Pôle-emploi :
Selon la dernière Enquête Besoins en Main-d’Œuvre 2011 :
44,6% des entreprises (tous secteurs confondus) anticipent en 2011 des difficultés de recrutement pour les cadres en informatique et 44,3% pour les techniciens en informatique, la moyenne est de 37,6% pour l’ensemble du marché du travail.
» La pénurie de candidats (70 %) ou leur profil inadéquat (80 %) restent les premières difficultés évoquées par les employeurs, bien plus que les conditions de travail (35 %) ou leur déficit d’image (19,8 %). « Ils sous-estiment probablement ces deux derniers points », commente Christian Charpy (Directeur général de Pôle-emploi). Pour répondre à ces difficultés de recrutement, les employeurs misent surtout sur la formation des salariés et des futures recrues. A noter que 18,3 % envisagent aussi de « faire venir des personnes de l’étranger », une proportion qui a triplé en un an sans que Pôle Emploi ne se l’explique vraiment… »
(source : http://www.lesechos.fr/economie-pol&hellip 😉
Les difficultés de recrutement d’informaticiens (tous secteurs confondus) concernent donc MOINS d’une entreprise sur deux pour SEULEMENT 7% d’entreprises de plus que sur l’ensemble du marché du travail…
Par ailleurs, le MUNCI dénonce chaque année les failles et les limites de cette enquête.
3. Le Baromètre trimestriel Apec-Syntec numérique :
A lire : Baromètre 1er semestre 2011
Le nombre moyen de candidatures par offre, diffusées par les entreprises du secteur au cours du troisième trimestre 2010, s’est très légèrement redressé (30 candidatures par offre en moyenne au lieu de 28). Les difficultés de recrutement se sont toutefois accrues de 10 points : 75% des recruteurs disent en effet éprouver des difficultés à trouver des candidats adaptés au poste à pourvoir. Tous secteurs confondus, les recruteurs sont 61% à exprimer ces difficultés (pour les cadres), en hausse de seulement de 3 points.
La comparaison de cette enquête avec les deux précédentes est riche d’enseignement :
- comparaison avec la 2nde : les SSII sont beaucoup plus nombreuses (+ 30%) que les entreprises dans leur globalité (soit principalement les entreprises utilisatrices) à évoquer des difficultés de recrutement pour les cadres en informatique. Nous y reviendrons dans la seconde partie de cet article (« LES EXPLICATIONS »)…
- comparaison avec la 1ere : quand l’Insee sonde les employeurs du secteur « Information et Communication » les difficultés de recrutement s’établissent à 26%, quand il s’agit de l’Apec avec le Syntec numérique celles-ci sont… trois fois plus élevées !!!
D’autres études effectuées dans un passé récent (2006-2007… soit au plus fort des tensions présumées sur notre marché du travail) minimisent également les difficultés de recrutement d’informaticiens :
EX. Etude Apec sur le recrutement des cadres en Europe (novembre 2007)
Extraits : « Seules 10% des entreprises européennes interrogées déclarent rencontrer des difficultés de recrutements de cadres informaticiens (à comparer aux 46% du secteur Production-Exploitation…). A noter qu’en France, les difficultés sont très ciblées et concernent notamment les cadres et les ingénieurs dans la Construction et les informaticiens dans les activités informatiques »
Conclusion : de toute évidence, la mesure des « difficultés de recrutement » est extrêmement variable d’une enquête à une autre (allant du simple au triple…) : tout dépend probablement de la méthodologie et de la question posée…
Rappelons enfin que dans la grande majorité des SSII, ce sont les managers (ou commerciaux) qui sont sur le terrain et réalisent les embauches, si bien que les dirigeants et responsables RH évaluent quant à eux les difficultés réelles de recrutement de façon plus approximative…
Constat N°2 : le chômage des informaticiens d’après les statistiques publiques (Dares Pôle-emploi, Insee)
Fin 2011, nos professions connaissent un taux de chômage compris entre 4.9% et 6% (au dessus du taux de chômage moyen des cadres qui se situe à 3,9% selon l’Apec, 70% des informaticiens ayant le statut cadre) avec un volume compris entre 26 000 (cat. A) et 32 000 (cat. ABC) demandeurs d’emploi en informatique/télécoms sur une base de 530 000 actifs (hors indépendants).
Pour des données plus récentes, voir : Evolution du chômage des informaticiens (sources : Dares-Pôle emploi, Insee).
Selon la Dares (cf. page 7), le taux de chômage moyen en 2011 chez les informaticiens était même de 7%, avec de fortes disparités entre les ingénieurs informaticiens (taux de chômage de 4%) et les techniciens supérieurs en informatique (taux de chômage de 11%).
Il était supérieur à celui d’autres domaines professionnels tels que les métiers de la Bancassurance, Etudes et recherche, Électricité et électronique, Ingénieurs et cadres de l’industrie (cf. page 5) qui se plaignent pourtant moins souvent des « difficultés de recrutement » que les employeurs du numérique !
Le taux de chômage frictionnel de la profession (dit également taux de chômage incompressible ou d’équilibre, caractérisant un marché de plein-emploi) est évalué entre 3% et 4 % : il n’a été atteint qu’au cours de l’année 1999 (avec un nombre minimal record de 15 500 demandeurs d’emploi inscrits Cat. ABC et 12 600 demandeurs d’emploi inscrits Cat. A en mai 1999) ainsi qu’en 2008 (avec un nombre de 19 100 demandeurs d’emploi inscrits Cat. ABC et 14 800 demandeurs d’emploi inscrits Cat. A en juin 2008).
Sur la période 1998-2008, le taux de chômage moyen de la profession était de 5,8% (inscrits cat.A) et de 7,2% (inscrits toutes catégories), ce qui ne caractérise pas un marché de plein emploi.
Sur les 32 000 demandeurs d’emploi en informatique/télécoms (avril 2012), au moins 10 000 d’entre eux (soit environ 40% des inscrits CAT. A) rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle avec une ancienneté moyenne au chômage d’environ 10 MOIS, 25% des demandeurs d’emploi de l’IT sont d’ailleurs des chômeurs de longue durée (27% sur l’ensemble du marché du travail, soit une proportion quasi-identique).
Lire à ce sujet : 285 jours : l’ancienneté moyenne au chômage des demandeurs d’emploi en informatique !!!.
Penons l’exemple des développeurs qui seraient les métiers les plus « pénuriques » sur notre marché du travail d’après nos employeurs. Voici les chiffres que nous lisons sur nos comptes Pôle emploi et Apec en ce mois d’avril 2012 :
PÔLE EMPLOI – Métiers du ROME M1805 : Études et développement informatique – Lieu : un ou plusieurs départements (ie. toute la France)
=> 7347 CV (cat. ABC) !
APEC – Fonctions : Informatique de gestion + Informatique web, sites et portails Internet – Lieu : toute la France – Disponibilité : Immédiate
=> 7154 CV, dont 1814 CV de Jeunes Diplômés !
… vous avez dit « pénurie de développeurs » ???
Lire aussi : Taux de chômage des informaticiens : les tromperies du Syntec Numérique
Constat N°3 : l’indicateur trimestriel des tensions sur le marché du travail (Dares Pôle-emploi)
Chaque trimestre, la Dares évalue les tensions sur le marché du travail pour chaque famille professionnelle (FAP).
Source : http://www.travail-emploi-sante.gou…
Tableau page 7 de Dares Analyses – Indicateurs de tension pour le 1er trimestre 2011 : avec 0,57 offres par demandeur d’emploi, l’informatique se situe EXACTEMENT au même niveau de tensions que l’ensemble du marché du travail (voir en fin de tableau) !
De surcroit, cet indicateurs surévalue les tensions sur notre marché du travail en raison du surnombre d’offres d’emplois qui ne correspondent pas à un poste immédiatement disponible… voir à ce sujet le Constat N°7 ci-dessous.
Sur la période 1998-2008, l’indicateur moyen des tensions sur notre marché du travail se situait à 0,76 offres par demande d’emploi, soit un niveau à peine supérieur au chiffre moyen calculé pour l’ensemble du marché du travail (0,67).
Extrait de : [Etude Pole Emploi] Les métiers de l’informatique (JL. Zanda, Pôle-emploi, Décembre 2011) :
“ L’évolution de l’indicateur de tensions traduit celle du rapport entre les offres recueillies et les demandes enregistrées par le service public de l’emploi. Le déséquilibre entre les premières et les secondes, nettement plus fluctuant pour le domaine que pour la moyenne des familles professionnelles, apparaît ici encore particulièrement accidenté dans le cas des ingénieurs de l’informatique. Quelques précautions de lecture que nécessite l’examen des tensions sur le marché du travail, ce déséquilibre incite à relativiser fortement la portée des supposées « pénuries de main-d’œuvre » fréquemment invoquées par les employeurs des SSII, en particulier lorsque la conjoncture est propice.”
Constat N°4 : un marché du travail particulièrement fluide avec des volumes de recrutements élevés
Une année « ordinaire » pour l’emploi informatique, c’est 30 000 à 40 000 recrutements bruts, 5000 à 10 000 créations d’emplois nettes et un taux de turnover moyen de 10 à 15%…
Le marché du travail informatique a deux spécificités par rapport aux autres secteurs d’activité : un niveau très élevé de recrutements bruts (c’est le secteur qui emploie chaque année le plus grand nombre de cadres) et un taux de turnover record chez les cadres (le double du taux de turnover moyen sur l’ensemble du marché du travail).
Ces 2 éléments traduisent ainsi la très forte fluidité de notre marché du travail… ce qui va totalement à l’encontre de la « pénurie de candidats » comme explication plausible des difficultés de recrutement !
En effet, si nous étions sur un marché avec peu de recrutements et peu de turnover, on pourrait comprendre aisément que nos employeurs subissent de réelles difficultés à trouver des candidats adéquats, mais en l’occurrence la réalité est à l’exact opposé : de fait, nos employeurs parviennent à recruter massivement des profils en forte rotation dans nos entreprises !
Dans ces conditions, les difficultés de recrutement sont, de toute à évidence, à relativiser (très) fortement sur notre marché du travail.
Constat N°5 : des écarts finalement peu importants entre profils recherchés et recrutés, ainsi qu’entre salaires proposés et salaires à l’embauche
Etude « Apec : les salaires à l’embauche édition 2010 »
Pages 38-40 (chapitre sur les SSII) :
85% des salaires à l’embauche sont équivalents ou inférieurs aux salaires envisagés en amont du recrutement, de même 92% des recruteurs estiment que l’écart entre le profil recherché et celui de la personne recrutée est nul ou faible.
Même chose dans l’étude « Apec : les salaires des cadres édition 2007 », page 8 ( le marché était plus favorable en 2007 qu’en 2010…) : « la difficulté à trouver le bon profil entraîne un recrutement « sous dimensionné » par rapport à la recherche envisagée dans 29 % des cas (autrement dit, le salarié finalement embauché possède un profil moins développé que celui envisagé par les recruteurs). Mais, si la moitié des recruteurs déclarent qu’il existe un écart entre le profil de la personne recrutée et le profil recherché, ils ne sont que 10 % à considérer cet écart comme important. »
En toute logique, on devrait constater des écarts de profils et de salaires beaucoup plus importants dans un marché soumis à d’importantes difficultés de recrutement…
Constat N°6 : des salaires qui ne progressent pas
En ce qui concerne le niveau des salaires :
Les enquêtes du Cnisf et de l’Apec démontrent chaque année que les salaires sont plus faibles dans l’informatique que dans la plupart des autres secteurs, et ce plus particulièrement dans les services informatiques (SSII, éditeurs, sociétés de conseil en technologie).
En ce qui concerne la progression des salaires :
– Salaires des cadres en hausse pour la première fois depuis deux ans (Etude Expectra, mai 2011)
Extrait : » Les salaires des cadres à l’embauche sont en hausse pour la première fois depuis deux ans, avec une augmentation moyenne de 2,9% entre septembre 2010 et mars 2011, selon un baromètre publié lundi par le cabinet de recrutement Expectra, filiale du groupe Randstad. (…) Elle est cependant plus modérée dans le secteur de l’informatique et des télécoms (0,4%) «
– Salaires en berne dans le secteur informatique (avril 2011)
– [Presse] En SSII, un ingénieur français gagne deux fois moins qu’un Suisse (2010)
– [Presse] SSII : les salaires à l’embauche n’ont pas décollé en 2010 (étude Apec) (2010)
– Baisse des salaires dans les SSII et la Branche Syntec en 2009 (étude Dares) (2009)
Même constat d’ailleurs du temps de la « pénurie d’informaticiens » des années 1998-2001 : Salaire : les cadres informaticiens globalement dans la moyenne (étude Apec, Juillet 2001)
Ce qui nous amène à une contre-vérité économique de premier plan : comment est-il possible, dans un secteur d’activité aussi concurrentiel que celui des services IT (marqué de surcroit par une aussi forte individualisation des salaires), d’avoir simultanément de prétendues « difficultés de recrutement » quasi-permanentes depuis 20 ans et en même temps des tarifs de prestations aussi “bas” entraînant des salaires aussi “contenus” ?
En effet, dans un contexte de réelle pénurie, le secteur informatique devrait connaître une envolée des rémunérations, sauf à ce que les principaux dirigeants de SSII s’entendent… ou que les tensions sur notre marché du travail soient quelque peu exagérées !
Or force est de voir que les salaires n’augmentent, ni dans les SSII, ni pour les professions de l’informatique de manière générale. Ils subissent même la baisse en période de crise (ex. 2009) à l’inverse de l’ensemble du marché du travail !
Le même constat est fait d’ailleurs en Allemagne :
« Pour le syndicat IG Metall, « la dramatique pénurie de main d’oeuvre que les représentants du secteur avaient prédite ne se confirme pas ». Si c’était le cas, « cela se serait traduit par de fortes hausses des salaires » dans les secteurs concernés, argumente le principal syndicat allemand, qui relève dans un communiqué lundi que dans les secteurs de l’informatique et des télécommunications les rémunérations ont grimpé de 1,5% en moyenne en 2010 seulement. » (extrait dépêche AFP du 28.02.2011)
(à l’inverse, aux USA, les salaires grimpent en flèche dès que le marché devient réellement tendu…)
Constat N°7 : des offres d’emploi pléthoriques aux “recrutements bidons” en passant par un turnover record… ou le « trompe l’oeil de l’effet pénurie »
“Bienvenue dans un monde où les offres d’emploi servent souvent à communiquer et où le recrutement lui-même ne correspond pas forcément à un besoin immédiat…” : c’est par cette excellente phrase que l’Apec résume les pratiques de recrutement en SSII dans une étude devenue célèbre sur le “trompe l’oeil de l’effet pénurie” en informatique.
Où comment les spécificités du marché des SSII créent une “impression artificielle de pénurie”…
Ainsi en 2010 selon l’Apec, 100 992 offres d’emploi de cadres informaticiens ont été diffusées… pour 26 500 recrutements “bruts”… et 4000 créations d’emploi “nettes”.
Le rapport entre les créations d’emploi nettes et le nombre d’offres d’emploi diffusées (rien que par l’Apec) est donc de… 1 pour 25 !!! Aucun autre secteur d’activité ne connait bien évidemment une telle disproportion entre les offres, les recrutements et les créations d’emploi…
Cette situation surréaliste amène l’Apec à étudier séparément les SSII et les autres employeurs dans un certain nombre d’études, exemple :
« Apec : les salaires à l’embauche édition 2010 » (sept. 2010)
Extraits pages 3 et 7 (méthodologie) :
“ Page 3 : (…) Parmi ces offres, celles concernant les fonctions informatiques des SSII ont fait l’objet d’une interrogation spécifique. En effet, les procédures de recrutement des SSII ne permettent pas d’établir de lien formel entre les offres publiées et les recrutements.
Page 7 : L’étude traite de façon distincte les résultats des fonctions informatiques des SSII dans la mesure où, dans ce cas, les offres publiées peuvent être difficilement reliées à des recrutements. ”
Les plans de recrutement « gonflés » de bon nombre de SSII ne doivent pas faire illusion et doivent même inciter les candidats à la prudence quand ils sont de toute évidence disproportionnés par rapport aux effectifs de la société : ceci cache en effet, le plus souvent, un turnover anormalement élevé… et donc des problèmes importants de fidélisation ou d’instabilité de l’emploi au sein de la société.
De surcroit, ces prévisionnels prennent en compte les recrutements dans les pays de l’offshore, qui peuvent être très élevés dans certains cas (exemples : Cap Gemini, Steria ou Atos…).
De plus, bon nombre de SSII ont “les yeux plus gros que le ventre” en matière de recrutements (plus on a de ressources disponibles, plus on peut signer de contrats et augmenter le CA…) et adoptent des politiques “agressives” de recrutements (débauchages de salariés en poste, recrutements « ludiques »…) à flux tendus : il s’agit de coller au plus près des besoins en transférant le risque de l’entreprise vers le salarié, véritable variable d’ajustement de la conjoncture…
Ces politiques RH de type « stop and go » s’avèrent dangereuses au final pour les SSII incapables de maîtriser leur croissance (plus particulièrement pour les « usines à régie ») et surtout pour leurs salariés : quand le marché se retourne, en effet, les recrutements font place à de très nombreuses suppressions d’emploi… ce qui fut précisément le cas en 2001 et en 2008.
Rappelons enfin que les fameuses « offres d’emploi non pourvues » englobent notamment les offres d’emplois… annulées ! Quand on sait que ces dernières sont particulièrement nombreuses en SSII, on ne doit donc pas s’étonner du surnombre fictif d’offres d’emploi non pourvues dans l’informatique…
Quant aux « emplois vacants », cela ne signifie absolument pas qu’ils sont difficiles à pourvoir ! Pour ne pas se laisser induire en erreur par les affabulations habituelles de nos dirigeants politiques et économiques sur ce sujet, nous invitons les journalistes à se rapprocher de la direction des études de Pôle-emploi (ex. Jean Louis Zanda : jl.zanda pole-emploi.fr) qui pourra leur expliquer les nuances sur la question…
Énormément d’offres, beaucoup de recrutements… mais au final relativement peu de créations d’emploi : les SSII ne seraient-elles pas l’alpha et l’oméga des “difficultés de recrutement” ?
Constat N°8 : des plans de recrutements… généralement bouclés avant la fin de l’année
En dépit de leurs sempiternelles « inquiétudes » en début d’année, la plupart des SSII annoncent le plus souvent qu’elles ont atteint voire dépassé leurs objectifs de recrutements… avant la fin de l’année en cours ! Un double discours traditionnel de leur part….
Exemples :
Emmanuelle Pays, Dir. du recrutement Steria (Steria, juin 2011)
« JDNet : Vous avez annoncé il y a quelques semaines vouloir réaliser 1500 embauches en 2011. Est-ce un chiffre historique et où en êtes-vous dans ce plan ?
Emmanuelle Pays : Je pense que nous allons dépasser cet objectif »
Luc de Chammard, P-DG Neurones (Neurones, 03.2011)
« Au début de l’année 2010, nous avions prévu de recruter 800 personnes supplémentaires. En réalité, nous en avons recruté 300 de plus, c’est-à-dire 1 100 en tout »
MC2I dépasse ses prévisions d’embauches pour 2010 (MC2I , sept.2010)
« Le groupe de conseils en système d’information a atteint ses objectifs de recrutement dès le mois de septembre, et compte recruter 30% de personnes supplémentaires avant la fin de l’année. »
Jacques Adoue, DRH Capgemini (Capgemini, juin 2010)
« Le nombre de recrutements que nous allons faire cette année sera donc peut-être même plus important que celui que nous avons initialement annoncé. »
Sopra, SSII : « Nous ciblons les profils à fort potentiel capables d’évoluer » (Sopra, 2009)
« En 2008, nous avions dépassé nos prévisions (de recrutement) »
Les SSII ont recruté plus que prévu en 2007 (JDNet, 2008)
« Dans notre échantillon d’entreprises, on constate que les SSII ont recruté légèrement plus que prévu en 2007, avec 2% de recrutements supplémentaires par rapport aux chiffres annoncés début 2007 »
Sodifrance, document de référence 2007 (Sodifrance, 2007)
« Sodifrance a tenu ses objectifs de recrutements pour l’année 2007 à savoir 150 collaborateurs » (page 12)
Emploi : une rentrée sous haute tension (01net, 11/10/2004)
« Plus de 14 000 embauches étaient annoncées pour 2004 sur tout l’Hexagone. Quatre mois plus tard, les prévisions de recrutement se confirment dans l’ensemble. Elles sont même parfois dépassées. »
Constat N°9 : l’éternel retour du mythe de la “pénurie d’informaticiens”
De 1998 à 2001, la pénurie d’informaticiens était de notoriété publique : les prévisionnistes nous annonçaient à l’unisson que cette pénurie allait s’accentuer tout au long de la décennie pour atteindre en Europe jusqu’à plusieurs millions de postes vacants !
Mais il aura suffit d’une courte année pour que le secteur s’enfonce dans une crise magistrale et que la « pénurie » fasse place au « sur-effectif » d’informaticiens : entre 2002 et 2003, le chômage des informaticiens a triplé en France, pour atteindre le taux record de 10% de la profession !
Étonnant, tout de même, de passer en si peu de temps d’une “pénurie d’informaticiens” à un chômage aussi massif dans la profession…
Bis repetita en 2008 : alors que les pouvoirs publics s’efforçaient de prévenir une “nouvelle” pénurie de main d’oeuvre dans l’IT par la multiplication des filières de formations en informatique et l’ouverture totale de nos métiers à l’immigration économique (via les listes de métiers en tension et les accords bilatéraux), voilà que la crise fait de nouveau bondir le chômage dans la profession (celui-ci va en effet quasiment doubler entre mi-2008 et fin 2009).
Or quelques mois avant le début de la crise :
- le GPNI informait Bruxelles des « risques de la pénurie prévisible à court terme d’informaticiens dans les PME« …
- la commissaire européenne Viviane Reding estimait que la pénurie d’informaticiens concernait 4 300 emplois en France en 2008.
Ainsi, sur un marché du travail aussi cyclique que celui de l’informatique, la “pénurie d’informaticiens” ne dure jamais bien longtemps. A la grande satisfaction de nos employeurs…
Les explications
Après avoir démenti la « pénurie d’informaticiens » et les « emplois non pourvus » dans notre secteur, il s’agit à présent de DÉMYSTIFIER les fameuses “difficultés de recrutement” dans le secteur informatique (qui sont pourtant bien réelles…) et d’en expliquer les VÉRITABLES RAISONS.
I. La 1ere est celle du manque d’attractivité des sociétés de service et de conseil (SSII/SICT) qui reçoivent donc moins de candidatures que les entreprises utilisatrices (industrie, bancassurance, télécoms…), ces dernières ayant la faveur des informaticiens dans leur grande majorité.
Problème : 80% des offres d’emploi proviennent des SSII/SICT !
Les SSII et éditeurs regroupent désormais les 3/5 des effectifs d’informaticiens en France (hors administrations), les 2/5 restants étant dans les entreprises utilisatrices.
Cette « prestarisation » à marche forcée de la profession est le résultat :
1. de politiques d’externalisation et de recours excessifs voire abusifs à la sous-traitance du côté des entreprises utilisatrices (objectif affiché : recours à des prestataires spécialisés (besoin d’expertise) / objectifs inavoués : réduction des coûts par le dérobement au coût du travail en évitant les embauches ; gestion des recrutements, des compétences et surtout de la flexibilité reportée chez les prestataires ; dilution des responsabilités…)
2. d’une règlementation et surtout d’une jurisprudence beaucoup trop laxistes en matière de mise à disposition de personnel dans le cadre des prestations de service (très peu de SSII sont en effet condamnées pour prêt illicite de main d’oeuvre et délit de marchandage alors qu’il s’agit de l’un des secteurs manifestement les PLUS concernés par ces délits relevant de la « fausse sous-traitance », les raisons de ce paradoxe tenant principalement à la résignation des salariés, à la méconnaissance du fonctionnement de la régie par les tribunaux et les avocats ainsi qu’aux pressions exercées sur les inspections du travail par les pouvoirs publics…)
Il existe bien sur de fortes disparités selon les SSII en matière d’attractivité : certaines SSII sont beaucoup plus décriés que d’autres, soit en raison de leur modèle économique axé surtout sur les prestations en régie (assistance technique…), soit en raison de leurs faibles référencements chez les grands comptes (participation limitée à de petits projets ou à de la sous-traitance en cascade), soit en raison de leur mauvais management (mauvaises évaluations par les ex. salariés)… sachant qu’il n’est pas rare d’avoir les trois à la fois !
A l’inverse, il existe aussi de “vraies SSII” qui se démarquent en terme d’offre de prestations, d’expertise et de professionnalisme, de GRH, d’éthique et de management.
Pour le MUNCI, ce sont bien les SSII et leur modèle trop souvent basé sur le moins-disant social & professionnel (intérim déguisé, manque de professionnalisme, réduction des coûts…) qui expliquent avant tout la baisse d’attractivité de nos métiers… et non l’image de nos métiers en elle-même !
Extrait :
» Les SSII doivent « impérativement faire évoluer » leur modèle fondé sur la baisse des coûts (multiplication des centres de services, délocalisation massive dans les pays à bas coût…), modèle qui a porté ses fruits mais qui est aujourd’hui « à bout de souffle » selon une étude publiée jeudi par le cabinet Precepta (groupe Xerfi), étude qui appelle les SSII à renforcer la « proximité » avec leurs clients en soignant notamment leur image, un de leurs points faibles, et en mettant en avant la valeur ajoutée de leurs offres. «
Les principales raisons de ce déficit d’attractivité sont :
1. La mauvaise image des SSII/SICT et les contraintes de la prestation de service, à comparer aux conditions de travail plus stables et plus attrayantes en entreprise utilisatrice :
La mauvaise image des SSII tient d’abord au modèle socio-économique caractérisant bon nombre de ces sociétés : « l’intérim de luxe » à travers les prestations en régie qui concernent environ la moitié des informaticiens des SSII (si on y rajoute la désormais classique « régie forfaitée » : une régie saupoudrée de quelques engagements de résultats à travers notamment la fourniture de livrables…).
Dans ce modèle bien souvent entaché d’illégalité (prêt illicite de main d’oeuvre / délit de marchandage), le salarié est « loué » au client moyennant un tarif jour/homme (TJM) pour une durée plus ou moins déterminée, et ce après une “présentation au client” totalement illégale (les clients sont supposés acheter un service et non louer du personnel après consultation de CV, le transfert de subordination ne concerne théoriquement que l’intérim).
La plupart des SSII pratiquant la régie n’offrent généralement pas ou peu de valeur ajoutée à leurs collaborateurs isolés en clientèle (gestion des compétences, capitalisation/transfert des connaissances, veille métier/technologique, encadrement technique/tutorat pour les débutants…etc), pas plus qu’à leurs clients (absence de pôle(s) de compétence(s), absence de conseil, incapacité à gérer des projets au forfait, absence de certifications fournisseurs/normes de qualité…etc).
Le travail en SSII se traduit le plus souvent par une instabilité du lieu de travail (changement de clients tous les 6 à 12 mois en moyenne). La mobilité géographique impose même assez souvent des absences prolongées du domicile, voire des déménagements, plus particulièrement dans les SSII régionales. La vie de famille est souvent difficile à assumer en SSII…
Cette instabilité de l’emploi en SSII est également le fait de nombreux licenciements (souvent abusifs) et ruptures conventionnelles traduisant des politiques RH de type « stop and go » pour réduire les taux d’intercontrat, privilégier le jeunisme au détriment des « seniors » et recruter des profils mieux adaptés aux nouvelles missions…), à lire : SSII : les chiffres des départs forcés (licenciements, ruptures conventionnelles…).
A l’opposé, le travail en entreprise utilisatrice est plus stable et souvent plus motivant car il permet de s’investir durablement dans un vrai projet d’entreprise.
Sur le plan des conventions collectives, la Convention Syntec est souvent décriée : elle est jugée moins avantageuse que la Métallurgie et beaucoup moins avantageuse que celle de la Banque.
. La GRH/RSE est souvent déficiente en SSII : problèmes fréquents d’éthique et de management (gestion du personnel substituée à la fonction RH par des commerciaux aux visions de rentabilité court-termistes, entourloupes fréquentes au droit du travail…), insuffisance des formations, absence de GPEC…
En réalité, parce qu’elle dépend intrinsèquement des missions commerciales, l’évolution de carrière est difficilement maitrisable en SSII (ce qui ne signifie pas pour autant que les SSII n’offrent pas de perspectives de carrière, tout au moins jusqu’à un certain stade), l’inadéquation des missions par rapport à ses compétences ou ses propres souhaits de carrière n’est pas rare en effet…
. Les conditions de travail sont parfois difficiles : horaires élevés (73% des ingénieurs informaticiens déclarent travailler plus de 40h/semaine), pression morale pour faire face aux contraintes commerciales (délais de livraison), techno-stress de plus en plus intense, participation simultanée à des projets multiples, isolement des salariés détachés et détournement de l’encadrement (lien de subordination) par les clients, problèmes d’évaluation et de reconnaissance au travail…
Aussi n’est-il pas surprenant d’en arriver à ceci : [Etude] Les services informatiques, secteur en pointe du mal-être au travail.
. Enfin le très faible taux de syndicalisation dans la Branche, estimé autour de 1% contre 5% en moyenne dans le privé en France (plus faible taux de tous les pays de l’OCDE) n’arrange évidemment pas les choses… principales causes : l’isolement des salarié détachés, la gestion hyper-individualisée des carrières, le jeunisme de la profession et au final le très fort individualisme des cadres informaticiens.
Lire à ce sujet les articles de :
– Critique modèle SSII
– Image des SSII
La mauvaise image des SSII et l’insatisfaction fréquente de leurs (ex)salariés se traduit principalement par :
– les innombrables témoignages sur le web très critiques à leur sujet (forums/blogs, commentaires d’articles…I) et leurs notations souvent très inférieures à la moyenne sur les sites de notation de sociétés (étude en cours du MUNCI)
– le turnover record caractéristique de ces sociétés (souvent au profit des entreprises utilisatrices)
– la progression des conflits sociaux dans ces sociétés
– leur absence quasi-généralisée dans les classements d’entreprises préférées des étudiants (ex. Universum, Trendence…) et ceux des meilleurs employeurs
– leurs nombreuses condamnations en justice essentiellement pour licenciements abusifs (étude en cours du MUNCI)
– certaines études qui vont précisément dans ce sens (ex. étude Guillaume Tell) !
Extrait de [Etude Pole Emploi] Les métiers de l’informatique (JL. Zanda, Pôle-emploi, Décembre 2011) :
“ On peut aussi regarder les difficultés de recrutement que peuvent rencontrer les SSII comme la conséquence d’une faible attractivité des emplois proposés, qui encourage un important turn over, lequel implique à son tour, à plus ou moins brève échéance, la recherche de nouvelles compétences et de profils expérimentés. Comme le résume M. Zune, « c’est également dans ces SSII que l’on observe les taux d’ancienneté les plus faibles (inférieurs à neuf ans), la moyenne d’âge la plus basse (32-33 ans), des taux de promotion interne les plus bas, ainsi que des taux de recrutement et de départ les plus élevés.. ”
2. Les niveaux de salaires « modérés » :
Les études (CNISF et APEC principalement), mentionnées dans l’article ci-dessus, montrent la faiblesse des salaires dans les services informatiques par rapport aux autres secteurs d’activité, mais aussi par rapport aux DSI. Ceci est particulièrement vrai pour les métiers techniques : les salaires y sont nettement inférieurs à ceux des commerciaux.
De plus, nos salaires sont inférieurs en France à ceux de nos homologues européens (et ne parlons pas des USA…).
L’individualisation des salaires est très forte dans les SSII et les marges de progression sont faibles compte tenu des pressions tarifaires des clients.
3. La dévalorisation des métiers de base de l’informatique (développement, systèmes/réseaux…etc) :
Les métiers techniques de l’informatique se trouvent principalement en SSII et concernent surtout les informaticiens débutants jusqu’à 5-10 ans de carrière.
Lentement mais sûrement, ils subissent une dévalorisation par rapport aux autres métiers (commerciaux, conseil, organisation…) depuis la crise de 2002-2003 principalement en raison de l’offshore.
Or, le métier de développeur, en particulier, est un métier qualifié (niveau bac + 2 au minimum) créatif et non répétitif, il est inacceptable qu’il soit de plus en plus délocalisé en offshore, entrainant ainsi un impact négatif sur les salaires.
Mais nos dirigeants sont là pour nous rassurer : les métiers « à faible valeur ajoutée » sont déjà en voie de disparition avec l’industrialisation des services… en revanche, les emplois à « forte valeur ajoutée » (chef de projet, architectes, urbanistes, conseil et MOA…) vont pouvoir se développer tout en demeurant nécessairement en France…
C’est là, bien évidemment, une vision simpliste potentiellement catastrophique pour l’avenir de l’emploi IT : les métiers techniques constituent les 3/4 des postes d’informaticiens. Les autres sont beaucoup moins répandus et ne s’acquièrent que par l’expérience.
Le comportement (socialement, économiquement et professionnellement) irresponsable de certaines SSII en matière d’offshore n’est certainement pas un signal positif donné aux jeunes générations !
Pour approfondir :
- Emploi et conditions de travail en SSII : tour d’horizon des problèmes et désavantages les plus fréquents
- Panorama de presse (professionnelle)
Ainsi que :
- Généralités, études, image des SSII
- Conditions de travail
- GRH, Carrière
- Image des SSII
II. La 2eme raison est celle de la sélectivité des recrutements chez les employeurs d’informaticiens, à savoir la recherche de profils “SUR MESURE”.
Les SSII sont les premières responsables de l’inadéquation entre profils recherchés et disponibles dont elles se plaignent fréquemment.
En effet, elles recrutent principalement sur mission en recherchant très souvent des « moutons à 5 pattes », ou au contraire des « spécialistes rares », dans le cadre d’appels d’offre aux timings souvent serrés…
Cette forte sélectivité des SSII à l’embauche s’explique par le fait qu’elles opèrent sur un marché de compétences, en sous-traitance de capacité ou de spécialité, pour le compte de clients exigeants qui se permettent d’exercer (en toute illégalité) un droit de regard sur les profils qui leurs proposés. C’est ainsi que les donneurs d’ordres imposent abusivement aux SSII leurs critères de sélection (diplôme, âge du collaborateur, compétences…) tout en leur laissant la responsabilité du recrutement et de la gestion des compétences.
Quand le marché se porte bien, les grandes et moyennes SSII recrutent aussi sur profil… avec là encore des critères de sélection bien spécifiques.
A l’inverse, les entreprises utilisatrices sont plus souples en matière de recrutements, elles recrutent davantage sur qualification et surtout moins dans l’urgence.
Cette sélectivité porte principalement sur les critères suivants :
- 1er critère : le salaire
Nous l’avons vu précédemment, les salaires sont “modérés” dans l’informatique et plus particulièrement dans les SSII.
La plupart des SSII reçoivent suffisamment de candidats en réalité, mais les salaires proposés ne sont toujours à la hauteur, notamment pour les profils les plus expérimentés.
Hélas, à partir d’une certaine ancienneté, changer de SSII est souvent l’un des seuls moyens de faire progresser son salaire, même si la prime au débauchage est parfois (souvent) minime… - 2eme critère : le jeunisme
La moyenne d’âge est de 33 ans dans les SSII (39 ans pour l’ensemble des actifs), le taux de seniors (14%) y est l’un des plus bas de tous les secteurs d’activité (25% pour l’ensemble des actifs).
A lire : Seniors [dans l’informatique] : les premiers discriminés sur le marché du travail, ainsi que Seniors et diversité : l’informatique encore et toujours bonnet d’âne.
Le modèle économique du secteur est basé sur le jeunisme et non sur la valorisation de l’expérience : du fait des pressions tarifaires des clients, les marges sont faites principalement sur les jeunes et les plus expérimentés se retrouvent paradoxalement les moins employables principalement pour des questions de coût salarial mais aussi de prétextes (souvent fallacieux) de “faible mobilité professionnelle ou géographique”, “compétences désuètes”, “homogénéité des équipes”…
Il existe ainsi une forte discrimination sur l’âge dans nos sociétés à partir de la quarantaine (voire 35 ans), principalement pour les postes techniques : développement, systèmes, réseaux, administrateurs… soit les 3/4 des postes d’informaticiens.
Or, les étudiants ne se risqueront pas dans l’informatique s’ils savent que leur deuxième partie de carrière est pour le moins incertaine.
Quant aux +40ans, ils sont nombreux à quitter l’informatique chaque année et se réorienter vers des métiers où la discrimination à l’embauche sur le critère d’âge est moins féroce que dans notre secteur.
L’expérience doit donc bénéficier d’une meilleure valorisation dans les SSII, des efforts doivent porter sur la mobilité professionnelle afin de favoriser les possibilités de transition vers le management, le conseil ou l’expertise.
Ces deux premiers critères réunis entrainent une accélération superflue des débuts de carrière permettant de vendre plus chers aux clients des profils à la fois jeunes et peu expérimentés (ex. chef de projet après 1 ou 2 ans d’expérience, quand ce n’est pas directement à la sortie d’une école du Groupe A, là où il fallait 5 à 10 ans d’expérience il y 10-15 ans…).
- 3eme critère : le diplôme
Il serait faux de croire que la “diplômite” n’existe pas dans l’informatique…
75% des recrutements se font au niveau bac+5, les bac+2/+3 rencontrent nettement plus de difficultés d’insertion professionnelle et poursuivent d’ailleurs souvent leurs études.
Ceci se traduit d’ailleurs au niveau des chiffres du chômage : en 2011, le taux de chômage moyen était de 4% chez les ingénieurs informaticiens… et de 11% pour les techniciens supérieurs en informatique (cf. page 7 de http://www.travail-emploi-sante.gou&hellip ;).
- 4eme critère : la localisation géographique
Plus de 60% de l’emploi IT est concentré en Ile de France : une localisation qui ne convient pas à tous les candidats…
Dans toutes les autres régions de France, les tensions sur l’emploi IT sont nettement plus faibles.
- 5eme critère : l’ancienneté au chômage
Les SSII n’aiment pas les demandeurs d’emplois de plus de six mois, elles préfèrent mille fois débaucher les salariés déjà en poste… il faut dire que ça évite bien souvent de les former ! Or, il est vrai que recruter un salarié déjà en poste est plus… “difficile”.
Au final, les « difficultés de recrutement » traduisent donc surtout la difficulté des SSII… à recruter RAPIDEMENT des profils JEUNES, SUR MESURE, en POSTE ou avec PEU D’ANCIENNETÉ AU CHÔMAGE, à des SALAIRES MODÉRÉS.
Le profil type du candidat le plus recherché par les SSII est l’ingénieur informaticien francilien, jeune et expérimenté (mais pas trop non plus).
Il est vrai que ce profil n’est généralement pas le plus en difficulté, beaucoup de ces ingénieurs sont d’ailleurs courtisés en permanence par les SSII (surtout pour du sourcing de CV, rappelons-le) mais c’est là une vision parisianiste et réductrice de la réalité puisque ce stéréotype ne correspond grosso-modo qu’à 40% des postes.
Il est malheureux de constater à quel point les SSII ont rabaissé les informaticiens à de simples PILES DE COMPÉTENCES…. ce qui est profondément humiliant et réducteur à la fois !
III. La 3eme raison est celle de la multiplication simultanée d’offres identiques des SSII.
Extrait de [Etude Apec] SSII, le trompe l’oeil de « l’effet pénurie » : « Un effet de rareté sur les compétences ».
« Un client d’une SSII choisit généralement de mettre en concurrence ses prestataires (par appel d’offres) afin de garantir les meilleurs coûts et services. Ce faisant, il déclenche une série de campagnes de communication de recrutement menée tambour battant par l’ensemble des sociétés interrogées. Les entretiens et les procédures de sélection qui s’ensuivent sont donc particulièrement nombreux alors qu’in fine, le nombre de postes « réels » est plus modeste.
Une situation assez courante qui a pour conséquence de créer une impression de rareté sur les compétences recherchées.
Sentiment de pénurie accentué par l’activation simultanée de tous les moyens à disposition des recruteurs, notamment les Cvthèques et les offres d’emploi (« multipostes »).
IV. La 4eme raison est celle de la gestion court-termiste de l’emploi dans les SSII.
Extrait de : [Etude Pole Emploi] Les métiers de l’informatique (JL.Zanda, Pôle-emploi, Décembre 2011) :
“ L’examen sur longue période des données du marché du travail, ainsi que celui de la littérature disponible en la matière, montrent que de telles difficultés (de recrutement) sont aussi la rançon d’un mode de gestion de l’emploi très focalisé sur le court terme, et peu propice à répondre aux besoins lorsque ceux-ci s’accroissent : succédant à des périodes où les recrutements se sont raréfiés, les phases de reprise de l’activité sont aussi celles où les candidats sont devenus peu nombreux. Certes très exposés, comme d’autres sous-traitants, aux aléas de la vie économique, et devant faire face à la pression de leurs concurrents et de leurs donneurs d’ordres, les prestataires de services informatiques bénéficieraient sans nul doute d’une gestion des compétences mieux assise dans la durée, et plus à la hauteur des enjeux dont est porteur ce domaine professionnel.”
A lire aussi : Gestion des ressources humaines : les dangers du stop and go !.
V. La 5eme raison est celle de l’inadéquation des compétences entre l’offre et la demande.
C’est probablement la seule raison qui dépasse le cadre des seules SSII pour concerner l’ensemble des employeurs d’informaticiens et plus généralement des entreprises du numérique (éditeurs de logiciels, DSI, start-up, stés web, e-commerce…etc).
Le marché du travail en informatique est un marché de compétences (langages, outils, méthodes…) extrêmement diversifié qui évolue rapidement. Certains métiers sont relativement nouveaux (notamment dans les domaines du e-commerce, du web 2.0, du cloud computing…) et les formations y sont encore peu nombreuses, parfois inexistantes.
Il est donc normal que cette hyper-spécialisation de l’offre (côté employeurs) soit toujours – plus ou moins – en décalage avec la disponibilité et la qualification de la demande (côté candidats).
Exemple d’inadéquation : L’emploi informatique en Ile-de-France : inadéquation entre l’offre et la demande.
Cette (relative) inadéquation entre l’offre et la demande est donc, en partie, structurelle et inévitable sur un marché du travail aussi spécialisé.
De surcroît, en période de reprise du marché, certaines compétences sont toujours plus recherchées que d’autres : tout le monde recherche alors les mêmes profils en même temps (pour des recrutements immédiats mais aussi pour reconstituer les CVthèques)… ce qui crée une impression (partiellement) artificielle de pénurie de compétences.
Toutefois, il existe aussi un problème sérieux de formation dont la responsabilité est partagée par les filières de formation initiale (encore trop souvent théoriques et pas assez professionnalisantes), les centres de formation continue pour demandeurs d’emploi (dont l’offre est souvent trop éloignée des besoins prioritaires du marché), les fournisseurs/éditeurs de logiciels (qui n’assurent pas suffisamment de transfert de compétences sur leurs outils) et, enfin, les employeurs eux-mêmes qui ne daignent pas toujours former les nouveaux embauchés pour les adapter aux postes ou aux missions.
Dans cet article de presse (paragraphe « Tension ne signifie pas toujours pénurie »), un responsable régional des services statistiques des études et des évaluations de Pôle emploi, rappelle que « métiers en tension signifie que les métiers concernés sont ceux où il y a du recrutement, mais cela ne veut pas dire qu’il y a nécessairement pénurie de main-d’œuvre ». On pourrait ainsi expliquer la place occupée par la catégorie « personnel de cuisine » en raison du grand turnover que connaît ce secteur. « Par ailleurs, il se peut tout à fait qu’il y ait des offres et des demandeurs correspondant à ce secteur, sans pour autant qu’il y ait adéquation entre les deux, le niveau de compétence demandé faisant défaut ».
En l’occurrence, ce qui est vrai pour le personnel de cuisine l’est aussi, et même davantage encore, pour les informaticiens !
Hélas beaucoup d’employeurs et d’observateurs du marché ne l’ont toujours pas compris (ou feignent de ne pas le comprendre)… alors que c’est pourtant très simple : « DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT » NE SIGNIFIE PAS « PÉNURIE DE MAIN D’ŒUVRE » ! Tout au plus pénurie de CERTAINES compétences dans CERTAINS cas.
Seul un investissement massif et régulier sur la formation des salariés et surtout sur celle des chômeurs pourrait permettre de limiter cette relative inadéquation entre l’offre et la demande.
Hélas, la plupart des sociétés du numérique (SSII en tête) n’investissent pas suffisamment sur la formation des chômeurs et des jeunes recrues (ni d’ailleurs de leurs salariés dans une optique de GPEC) : plutôt que d’offrir des formations d’appoint à des candidats dont le profil est proche du profil recherché (ex. Préparation Opérationnelle à l’Emploi (POE), Action de Formation Préalable au Recrutement (AFPR), formations avec promesse d’embauche/garantie d’emploi…), elles préfèrent débaucher des salariés en poste (accentuant ainsi le fort turnover dans nos métiers) et se replient continuellement sur la « pénurie de compétences » ou carrément « d’informaticiens » pour masquer leur retard en terme de diversité et leur manque de maturité sur le plan de la GRH.
VI. La 6eme raison est celle de la multiplicité des canaux de recrutement.
Pour bien trouver, il faut savoir bien chercher…
Or, notre marché du travail est unique en son genre : il existe plusieurs dizaines de sites de recrutement, sans parler de l’essor des réseaux sociaux.
Tous les informaticiens n’ont pas déposé leur CV à Pôle-emploi, ni même à l’Apec, et le communautarisme se développe à travers certains sites/réseaux selon les spécialités.
Cette multiplication des canaux de recrutement entraine à la fois une dispersion des candidats et des difficultés de « sourcing » pour les entreprises qui n’ont pas les moyens de passer par un chasseur de têtes.
Au final, la recherche classique de candidats via les principales cv-thèques et la diffusion d’annonces sur les principaux sites de recrutement s’avère de moins en moins efficace (tout en restant la norme pour le moment)… mais tous les employeurs n’en ont pas encore conscience.
VII. La 7eme raison est celle de la progression des professionnels autonomes.
Les informaticiens sont de plus en plus nombreux à choisir le statut de professionnel autonome (portage salarial ou indépendant) pour exercer leur activité, notamment dans le développement, la MOA et le conseil.
Estimés aux alentours de 10 000 au début des années 90, les freelance sont aujourd’hui 30 000 à 40 000 dans l’informatique, le web et le conseil en SI.
Autant de salariés en moins pour les SSII !
VIII. La 8eme raison est celle de la surenchère orchestrée par les SSII.
Dans un contexte de fortes pressions tarifaires des clients, les SSII sont soupçonnées d’exagérer les « difficultés de recrutement », notamment par voie de presse, pour mieux tenter de renchérir leurs factures et pouvoir ensuite revaloriser les salaires.
Nous n’allons pas nous en offusquer…
Beaucoup pratiquent également le « cherry picking » : une technique commerciale qui consiste grossièrement à donner la priorité aux contrats à forte marge et aux grands comptes, au détriment de la fidélisation de clientèle (Courrier Cadres (APEC) n°1266, 11 septembre 1998).
IX. La 9eme raison, l’insuffisance de candidats, reste à démontrer….
Le présumé déficit de main d’oeuvre, notamment de jeunes diplômés, n’est toujours pas formellement établi à ce jour dans le secteur IT, en dépit des sempiternelles déclarations de nos dirigeants qui confondent un peu trop souvent « pénurie de main d’oeuvre » avec « pénurie de (certaines) compétences »…
L’offre de formation initiale et continue parait même largement suffisante à ce jour (tout ou moins en volume, peut-être pas en qualité…) pour satisfaire aux besoins de main d’oeuvre dans les STIC, lire à ce sujet : La France forme suffisamment d’étudiants aux métiers de l’informatique
La prétendue « désaffection des étudiants pour les filières STIC » n’est pas davantage établie : La désaffection des études scientifiques et le papy-boom ne concernent pas l’informatique.
Toutefois, selon une étude du cabinet Ambroise Bouteille en 2009 pour le compte du Syntec informatique, il se pourrait que la tendance s’inverse doucement depuis 2005-2006, et que l’année 2009 aurait connu une baisse des diplômés en informatique par rapport à 2008 : à vérifier…
Pour le moment, on peut estimer que seul le manque de femmes dans nos professions (seulement 15% des effectifs de l’IT) présente un véritable risque pour l’emploi et la diversité à moyen terme.
Une chose est sûre, il faudra donner tôt ou tard aux étudiants d’autres perspectives que la seule prestation de services pour revaloriser l’attractivité de nos métiers !
Celle-ci devra passer nécessairement par le développement de notre industrie du logiciel et celui de grands projets technologiques (français et européens), plus généralement par le soutien à l’innovation et à la recherche dans les TIC.
Le Syntec voudrait faire croire que nos métiers sont devenus, curieusement, moins attractifs avec le temps (en raison de la prétendue image ringarde du “technicien passionné et autiste qui effectue un travail en solitaire au sein d’un univers trop masculin qui ne valorise pas assez les qualités humaines”)… mais pour le MUNCI, la principale explication n’est pas là : ce sont bien évidemment les SSII qui sont les premières responsables de la baisse d’attractivité de nos métiers depuis la crise de 2001 !
« Pénuries de main d’oeuvre »… « emplois non pourvus » : un triple fond de commerce
Dans un contexte de chômage de masse perdurant en France depuis plusieurs dizaines d’années, le mythe des “pénuries de main d’oeuvre” et des “emplois non pourvus” (à ne pas confondre avec les « difficultés de recrutement » donc…) est un triple fonds de commerce :
- Médiatique : C’est là, manifestement, l’un des fleurons de la “pensée unique” ! Certains journalistes oublient en effet leur plus élémentaire règle déontologique quand ils n’ont d’oreilles que pour les “sources patronales”…
Or, relayer les « difficultés de recrutement » dans l’informatique sans en rechercher les causes (autres qu’un hypothétique manque de jeunes diplômés), c’est méconnaître les réalités de notre marché du travail, ou plutôt ne pas chercher à les connaître.
Propager le mythe de la « pénurie d’informaticiens » relève d’une véritable indécence qui porte un réel préjudice moral aux chômeurs souvent de longue durée de la profession (jusqu’à entrainer certains drames). - Patronal : Nos employeurs craignent par-dessus tout le plein emploi et ses « difficultés de recrutement » car c’est contraire à la flexibilité, entraine des dépenses de formation (besoins d’adaptation aux postes pour les profils « non calibrés ») et favorise
la haussele rattrapage des salaires. Un marché du travail équilibré est forcément un marché de… « pénurie » !
De surcroît, exagérer les “difficultés de recrutement” a toujours été un moyen pour les SSII de légitimer davantage le recours à l’offshore et à l’immigration économique depuis les pays à bas coûts… souvent synonymes de jeunisme et surtout de dumping social, réduction des coûts oblige !
Autre intérêt (moins critiquable évidemment) : bénéficier des fonds publics – pôle-emploi, collectivités territoriales… – pour former ou adapter des chômeurs à nos métiers (classés dans la liste des métiers prioritaires). - Politique : Une aubaine pour les gouvernements car cela permet de détourner l’attention de l’opinion portée sur le chômage de masse et d’exaucer les lobbies patronaux en toute légitimité (raisons : financements des campagnes électorales, carrières post-politiciennes dans le privé (exemple), aides aux entreprises et parfois corruption…), sauf bien sur quand on se rapproche des élections où le peuple est de nouveau courtisé à grand coup de promesses électorales…
Problème : surestimer les besoins en main d’oeuvre sur notre marché du travail (fortement cyclique), démultiplier les filières de formation (parfois « voies de garage »…) en informatique, ouvrir totalement (sans contrôles et sans discernement) nos métiers à l’immigration économique, parfois même soutenir implicitement l’offshore… s’avèrent, tôt ou tard, dangereux pour l’emploi dans notre secteur : nous l’avons déjà constaté à deux reprises dans un passé récent suite à une « pénurie d’informaticiens » qui, chaque fois, s’annonçait durable et que les crises ont vite transformée en… sur-effectif d’informaticiens (triplement en 2002-2003 et doublement en 2008-2009 du nombre d’informaticiens au chômage en France).
Conclusion : le MUNCI dénonce la confusion trop fréquente entre « difficultés de recrutement » et « pénurie de main d’oeuvre », en rappelant que les difficultés de recrutement dans l’informatique s’expliquent autrement que par un prétendu manque de candidats formés à nos métiers.
Le MUNCI dénonce également la vision insidieuse de ceux pour qui un marché du travail équilibré, c’est à dire en situation de (quasi) plein-emploi, est nécessairement un marché de « pénurie » qui doit être absolument corrigé.
Aussi la question se pose : veut-on vraiment du plein-emploi en France ?
En vérité, il existe suffisamment de candidats et de formations, dans le numérique, mais la plupart de nos employeurs (SSII en tête) ne veulent pas former les jeunes diplômés et les demandeurs d’emploi pour les adapter au poste et pratiquent, dans ce secteur plus qu’ailleurs, une forte discrimination – pardon sélectivité – à l’embauche sur différents critères : niveau d’études (70% ne veulent que des bac+5), âgisme (exclusion des plus âgés et prime au jeunisme), ancienneté au chômage (malheur aux demandeurs d’emploi de + de 6 mois)…
Ajoutons qu’après l’Allemagne et la France, la remise en cause de la « pénurie d’informaticiens » trouve également des échos du côté de la Grande Bretagne et du Québec… à lire à ce sujet : Pénurie d’informaticiens : un mythe planétaire ? .
Annexes (études, rapports)
Pratiques de recrutement et sélectivité sur le marché du travail
[Rapport] Pratiques de recrutement et sélectivité sur le marché du travail – Cas des SSII (Yannick Fondeur, Ariel Sevilla, CEE, mars 2012)
Extraits :
“Dans tous les cas, l’essentiel des recrutements porte sur des jeunes diplômés ou des personnes disposant d’une expérience professionnelle de quelques années. Il y a bien des recrutements sur des profils expérimentés, mais ils sont très minoritaires. Ceci s’explique d’abord par une question de coût : pour être compétitives en termes de prix, les sociétés de conseil et services en informatique et technologies préfèrent envoyer essentiellement des « juniors » chez leurs clients.
(…)
Nous avions ainsi mentionné dans un précédent rapport de recherche portant sur « internet et les intermédiaires du marché du travail » le fait que les annonces publiées par les SSII ne correspondaient pas systématiquement à un emploi vacant (Fondeur, Tuchszirer, 2005, p. 95). Une étude de l’Apec avait également relevé que, sur la base des seules offres d’emploi publiées par son biais, on comptait dans les activités informatiques plus de 1,5 poste offert par recrutement effectif, alors que ce rapport n’est que de 0,9, tous secteurs confondus (Apec, 2006). Nos entretiens confirment que ces pratiques sont toujours en vigueur, même si le sujet reste délicat et que peu d’interlocuteurs le concèdent ouvertement.
(…)
La limite des six mois de chômage semble correspondre à une norme au-delà de laquelle tous les recruteurs rencontrés ont tendance à exclure systématiquement les candidats.”
[Etude Pole Emploi] Les métiers de l’informatique (JL. Zanda, Pôle-emploi, Décembre 2011)
Extraits :
“ Très diversifiés, les métiers de l’informatique sont aussi soumis à des évolutions multiples et rapides, sous l’impulsion de l’innovation technologique, mais aussi de facteurs commerciaux et organisationnels. Et ces évolutions ne sont pas de nature à faciliter les appariements sur le marché de l’emploi. Mais elles ne sont pas seules en cause dans les difficultés de recrutement qui sont périodiquement invoquées par les sociétés de service et d’ingénierie informatique.
L’examen sur longue période des données du marché du travail, ainsi que celui de la littérature disponible en la matière, montrent que de telles difficultés (de recrutement) sont aussi la rançon d’un mode de gestion de l’emploi très focalisé sur le court terme, et peu propice à répondre aux besoins lorsque ceux-ci s’accroissent : succédant à des périodes où les recrutements se sont raréfiés, les phases de reprise de l’activité sont aussi celles où les candidats sont devenus peu nombreux. Certes très exposés, comme d’autres sous-traitants, aux aléas de la vie économique, et devant faire face à la pression de leurs concurrents et de leurs donneurs d’ordres, les prestataires de services informatiques bénéficieraient sans nul doute d’une gestion des compétences mieux assise dans la durée, et plus à la hauteur des enjeux dont est porteur ce domaine professionnel.
(…)
L’évolution de l’indicateur de tensions traduit celle du rapport entre les offres recueillies et les demandes enregistrées par le service public de l’emploi. Le déséquilibre entre les premières et les secondes, nettement plus fluctuant pour le domaine que pour la moyenne des familles professionnelles, apparaît ici encore particulièrement accidenté dans le cas des ingénieurs de l’informatique. Quelques précautions de lecture que nécessite l’examen des tensions sur le marché du travail, ce déséquilibre incite à relativiser fortement la portée des supposées « pénuries de main-d’œuvre » fréquemment invoquées par les employeurs des SSII, en particulier lorsque la conjoncture est propice.
(…)
On peut surtout voir dans les difficultés de recrutement que peuvent rencontrer les SSII l’effet des amples fluctuations qui gouvernent la recherche de candidats, dans le cadre d’une gestion de l’emploi « happée par le court terme ». On peut aussi les regarder comme la conséquence d’une faible attractivité des emplois proposés, qui encourage un important turn over, lequel implique à son tour, à plus ou moins brève échéance, la recherche de nouvelles compétences et de profils expérimentés. Comme le résume M. Zune, « c’est également dans ces SSII que l’on observe les taux d’ancienneté les plus faibles (inférieurs à neuf ans), la moyenne d’âge la plus basse (32-33 ans), des taux de promotion interne les plus bas, ainsi que des taux de recrutement et de départ les plus élevés.
(…)
En tout état de cause, l’ampleur des besoins qui sont attendus en la matière invite à réaménager une gestion de l’emploi trop souvent « court-termiste », et à mettre en oeuvre une gestion des compétences à la mesure des enjeux dont est à présent porteuse une activité regardée comme hautement stratégique ».”
[Etude] De la pénurie à la mobilité : le marché du travail des informaticiens (Etude Cereq Formation-emploi N°95, Marc Zune, juil-sept 2009)
Extrait :
“ Au-delà d’éventuelles pénuries, les difficultés de recrutement des informaticiens proviennent du fonctionnement du marché du travail, mais aussi du rapport des individus à leur travail. La mobilité des informaticiens est souvent présentée comme le résultat d’une pénurie de main-d’oeuvre et d’un nouveau modèle de carrière dite nomade. Une déconstruction de ces deux notions est nécessaire.”
[Etude] Les services informatiques aux entreprises : un marché de compétences (Y. Fondeur, C. Sauviat, IRES Formation Emploi N°82, 2003)
Avenirs des métiers : rapport du groupe « Prospective des métiers et qualifications » (C.G. du Plan, nov. 2002)
Extrait :
“ L’absence de politique d’entretien ou d’amélioration de l’employabilité dans les entreprises peut se traduire soit par une mise à l’écart du salarié de toute formation qui lui permettrait de s’adapter au fur et à mesure des évolutions technologiques et organisationnelles, soit, à l’inverse, par l’enfermement dans des spécialités si pointues que le salarié se trouve isolé de l’évolution du marché ou des technologies et sans possibilité transversale lorsque sa spécialisation n’a plus cours. Certaines pénuries d’informaticiens, par exemple, proviennent ainsi probablement d’une surspécification des profils recherchés et « traduisent d’abord l’incapacité à définir de manière efficace, disons de manière ouverte, les compétences recherchées non seulement dans leur définition technique mais aussi dans leur capacité à reconfigurer l’organisationnel en dynamique ». ”
« Entre chômage et difficultés de recrutement : se souvenir pour prévoir » (Rapport C.G. du Plan, dec. 2001)
(Extraits pages 47 à 54 : Gestion prévisionnelle de l’emploi dans l’informatique)
“ Croissance des emplois, croissance des recrutements, croissance des offres, ces trois tendances ne sont homogènes qu’en apparence, les emplois n’augmentant que très relativement par rapport aux flux des offres et des recrutements. Ce décalage s’explique de plusieurs manières :
. un fort turn-over des informaticiens. Les passages d’une entreprise à l’autre n’entraînent pas de création nette d’emplois ;
. une demande importante des SSII, qui font prioritairement appel à des jeunes diplômés et des jeunes cadres, alors que leurs cadres plus anciens pratiquent une forte mobilité. Est-ce par nécessité ou par défaut qu’elles privilégient de tels profils ? La question est ouverte dans la mesure où elles (les SSII) pointent les phénomènes de pénurie sur les postes de cadres expérimentés et estiment leurs « chefs de projet » souvent trop jeunes pour ces postes.”
(…)
Pourtant, malgré une forte demande apparente de la part des entreprises, il faut relever que les salaires des informaticiens n’explosent pas dans leur ensemble.
(…)
L’activité des SSII répond à deux logiques différentes, souvent cumulées. Ces deux logiques produisent des besoins en main-d’oeuvre et des conditions d’emploi relativement proches, qui façonnent le marché de l’emploi des informaticiens, dans ses apparences (fort volume de la demande apparente via les offres d’emplois), comme dans sa réalité (main-d’oeuvre jeune et qualifiée, fort turnover, absorption d’une partie de la main-d’oeuvre par la concurrence ou par les clients).
L’aspect « sous-traitants » répond en effet à une logique de « missions », de « contrats », autrement dit toutes les apparences de l’emploi intérimaire ou des CDD en termes de finalité.
L’aspect « conseil » répond, lui, à une logique commerciale : il faut que le contrat soit rempli, mais il faut aussi que la SSII apporte la preuve qu’elle peut remplir le contrat (d’où un bon nombre d’offres d’emplois dans la presse qui sont autant d’affichage des compétences de la SSII à l’adresse de clients potentiels et non de candidats). En vendant du conseil – matériels, logiciels, développements spécifiques, formation… -, les SSII entrent dans la définition des sociétés commerciales, de distribution (certaines ont d’ailleurs comme numéro SIREN le code du secteur de la distribution). L’activité des informaticiens n’est plus tournée vers le besoin amont du client, mais vers la réalisation du contrat d’une prestation que leur employeur a vendue aux clients. Là encore, on retrouve les caractéristiques d’un autre métier, celui des commerciaux, avec des fortes contraintes et un fort turn-over. ”
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